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[ CONVERSATIONS ]
Pourquoi a-t-il fallu créer un Office français de l’intégrité scientifique, département
du Hcéres ?
L’Ofis est une structure très jeune qui a été créée en 2017 et est opérationnelle depuis 2018. Elle s’inscrit à la suite directe du rapport du professeur Pierre Corvol, remis en 2016, dont la conclusion recommandait, entre autres, la création d’une structure transver- sale, l’Office français de l’intégrité scienti- fique. Ce rapport soulignait la nécessité d’une politique vraiment affirmée en matière d’intégrité scientifique.
Trois « affaires » d’intégrité scienti-
fique ébranlent actuellement la recherche française. N’y a-t-il pas des leçons à tirer de la manière dont elles ont été traitées ? L’office analyse ces situations particulières. Pour analyser, on a besoin d’être à bonne distance de l’éprouvé émotionnel, média- tique et donc ne pas réagir dans l’instant T
« La collaboration est l’essence même de notre métier d’enseignant »
d’une part. Et pour compliquer les choses on peut aussi peut-être poser la question de la réhabilitation des chercheurs. Il y a très peu d’études qui portent sur cette question,
j’ai trouvé un ou deux articles qui nous viennent des États-Unis. C’est vraiment un sujet sensible qui demande à être approfondi.
Dans les sujets hautement sensibles en lien avec les questions de fraude scientifique, il y a aussi la question de l’anonymat des chercheurs qui dénoncent.
Mon avis, et je sais que cela ne fait pas consensus, est que la dénonciation reste un acte, on est responsable de ses actes. Donc on devrait ne pas avoir besoin dans une société démocratique, de se cacher derrière le masque de l’anonymat. Sur cette question, je suis davantage favorable à une confidentialité de l’identité, pendant tout le temps que va durer la procédure.
outils incontournables pour les ensei- gnants qui veulent innover ?
C’est sûr qu’un cours à la bougie ça peut être sexy, mais c’est beaucoup moins pratique, surtout quand tu as un power point ! Il ne faut pas voir le numérique comme un plus en lui-même, mais plutôt, qu’est-ce qui fait en sorte que je vais avoir une valeur ajoutée en l’utilisant ?
Joëlle Alnot, directrice de l’Ofis, revient sur l’émergence de cette problématique au sein de la communauté scientifique.
« Pour une politique vraiment affirmée en matière d’intégrité scientifique »
Christelle Lison, experte internationale revient sur les tendances en matière de pédagogie.
Alors qu’on peut encore avoir cette image de l’enseignant seul dans son amphi, selon vous, l’ESR est par essence le lieu du collectif...
C’est intéressant de penser que la vie
de l’enseignant se déroule dans son bureau alors qu’en réalité la vie se déroule totalement ailleurs. Le collectif, pour un enseignant-chercheur, ça veut dire, travailler avec des collègues administratifs, d’autres qui sont aux inscriptions, à la planification, etc. Cela veut dire aussi que l’on forme des étudiants qui ne sont pas juste des individus, mais qui forment un espace collectif.
Est-ce que les enseignants collaborent parce qu’ils ont une âme d’innovateur ? Est-ce une question de posture, de regard qui change sur son métier ?
La question de la posture prend beaucoup d’importance. J’ai échangé avec des ensei- gnants qui arrivaient en fin de parcours, et plusieurs disaient : « Je suis content de quitter l’université parce que ce n’est plus
ce que c’était ». C’est vrai qu’auparavant on faisait les choses de manière plus indivi- duelle, on faisait de la recherche individuel- lement, on enseignait individuellement.
Il y a une contradiction à dépasser : on encourage les enseignants à innover mais lorsque vient le moment de la reconnais- sance, on est évalué sur sa pratique individuelle et souvent plus sur la recherche que l’enseignement.
Un mouvement est en train de se mettre en place, mais pour changer, cela doit aussi partir de la base : c’est une rencontre entre ce que le ministère peut mettre en avant et ce que nous sommes capables d’offrir. Nos collègues suisses par exemple valorisent énormément la pédagogie dans la carrière. Je pense que nous assistons à une phase de transforma- tion, on se dirige vers des moments où les évaluations au sein des établissements prennent aussi en compte l’importance de l’équipe pédagogique, d’une approche programme, ou encore de reconnaissance de projets qui vont être financés.
Justement, sur la question du numérique, des edtechs, de plus en plus de solutions sont disponibles : est-ce que ce sont des
think education & recherche 2019 • 12
Christelle Lison, professeure en pédagogie
à l’Université de Sherbrooke (Canada)