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Gen Z : qui mieux qu'elle peut parler en son nom?
 C’est l’un des sentiments de cette, ou plutôt de ces jeunesses actuelles, entre désillusion politique et réel espoir de sauver la planète. Une génération individualiste et ultra-consciente de son pouvoir.
Votre livre déconstruit l’image d’une génération Z uniforme. Quelles sont ses fractures ?
La jeunesse ne forme pas un bloc monolithique. Les fractures dont nous parlons sont assez classiques : selon leur milieu social d’origine, niveau de diplôme ou lieu de vie (ville, milieu rural), le rapport des jeunes au monde est très différent. L’un des indicateurs marquants est celui du bonheur. En 1968, 35 % des jeunes avaient le sentiment d’être très heureux ; aujourd’hui, ils ne sont plus que 19 %. Un écart de 16 points sur une étude d’opinion, c’est spectaculaire. Nous pourrions donc penser à un mouvement global. Cependant, dans le détail, les fractures intragénération- nelles apparaissent : en 2021, les jeunes issus de milieux favorisés sont 43 % à s’estimer heureux ; dans les milieux populaires, ils ne sont que 13 %.
Vous leur trouvez néanmoins beaucoup de points communs. Lesquels ?
D’abord, dans leur rapport au travail, où nous sommes passés d’une logique de carrière rectiligne à celle que j’appelle
« l’expérience du travail ».
À travers leur emploi, les jeunes actuels cherchent en effet une expérience de vie qu’ils pourront valoriser ailleurs par la suite,
dans une autre entreprise ou un autre métier. Pour eux, le temps idéal dans un emploi est de 2 à
5 ans. Ils ne pensent plus en termes de poste mais de missions, sur lesquelles ils capitaliseront pour en vivre d’autres.
Sont-ils plus individualistes que leurs aînés ?
Selon moi, la société encourage ce mythe de l’autonomie. Chacun est censé faire
la première personne. Même s’ils permettent de s’engager dans un projet collectif,
les jeunes diront toujours « je » m’engage et le mettront en scène à travers un storytelling individuel.
Qu’en est-il de leur engagement politique ?
Leur participation à la politique telle que nous l’entendions est
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ses propres choix, être mobile, tracer lui-même son chemin. Notre champ lexical est plein de termes comme
« expérience
client »,
« expérience
patient », écrits
au singulier, le
tout animé par des algorithmes dont l’objet est de personnaliser toujours davantage. Cette sur-autonomie émane donc de leurs aînés mais a influencé leur rapport aux autres.
Les réseaux sociaux fonctionnent pourtant sur l’idée de communautés, donc de collectifs...
Je ne crois pas du tout que les réseaux sociaux soient collectifs. Tout en eux invite à se raconter à
extrêmement faible. Deux chiffres : en 1968, 40%des
18-30 ans pensaient que la politique pouvait contribuer au progrès de l’Humanité ;
ils sont 10 % aujourd’hui.
De même,
81 % d’entre eux
considèrent que le personnel politique est malhonnête !
Par ce terme, ils ne l'accusent pas d'avoir commis des actes répréhensibles, mais de ne pas être sincère dans son engage- ment. Ils exigent de l'individu lui-même qu'il soit exemplaire. Les jeunes accordent peu de légitimité aux organisations politiques, ils ont ce réflexe
de personnalisation :
« Qui mieux que moi peut parler enmonnom?»
LES ÉTUDIANTS VOIENT LES ENTREPRISES COMME CAPABLES D’APPORTER
DES SOLUTIONS AUX PROBLÈMES DU MONDE
 





























































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