Page 20 - GRAND ENTRETIEN
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faut avoir. Pourquoi n’arrive-t-on pas vraiment à mettre sur pieds des universités de recherche ? En partie à cause de cela. De la même manière, les universités qui font un peu moins de recherche dépendent un peu des organismes pour être reconnues dans leur petit bout d’excellence.
C’est quand même un problème, et on pourrait croire par ailleurs que la politique scientifique est faite par l’État, et non pas par une institution, fut-elle un opérateur de l’État. La conception de la stratégie scientifique revient à l’État comme instrument de l’expression démocratique du pays.
Sylvie Retailleau : Les structures n’appartiennent à personne et nous sommes tous des struc- tures de services publics. A un moment donné, il faut que tout le monde comprenne en France qu’on n’a plus le luxe de défendre sa structure : il faut défendre globalement notre stratégie d’en- seignement supérieur et de recherche. Quelle que soit la structure, il faut que chacun trouve sa position avec les autres, par rapport à la force de frappe qu’on veut afficher à l’international : l’en- jeu est là.
 Pierre-Paul Zalio : Je ne voudrais pas que l’on croie que ce pro- blème est insurmontable. A Saclay, le CNRS est chez lui. L’Inra sera chez lui bientôt. Les personnels CNRS sont nos collègues au quotidien. Nous avons beaucoup de liens forts, et je suis assez optimiste. Seulement les institutions se défendent parce qu’elles sont des organisations, qui ont des logiques, des personnels, une inertie...
C’est un travail de longue haleine, mais on voit bien que l’uni- versité Paris-Saclay, avec ses graduate schools, ses outils et sa manière d’avoir une stratégie de la recherche pensée à l’échelle de l’université, est sur un chemin de discussion et on n’a pas de raison d’être pessimiste. Mais c’est un point de vigilance, il ne faut pas qu’on rate certains rendez-vous.
Onacruà
la génération spontanée
et on s’est trompé, ça ne s’est jamais structuré
Bernard Belloc
    Bernard Belloc : Ce n’est la faute de personne, sauf peut-être
de l’État, qui devrait organiser et donner les stratégies et les
orientations générales de service public : il n’est pas au ren-
dez-vous, et peut-être laisse-t-il prendre trop d’importance à certaines institutions – sans en viser aucune. Si on peut penser que chacun défend son institution et ne veut pas l’enterrer, c’est parce que l’État stratège n’est pas assez présent, et il ne l’est pas en faisant des Stranes que tout le monde oublie six mois après leur publication...
Dans le COP du CNRS, il y a des choses très intéressantes et des perches tendues vers les universi- tés. Si Antoine Petit a les moyens de les mettre en œuvre, ce sera une grande avancée pour tous.
Sylvie Retailleau : Dans ce COP, il y a tout un paragraphe sur les liens avec les grandes universités et les sites, avec des propositions sur les professeurs attachés, sur les modes de recrutement : des propositions concrètes.
Bernard Belloc : L’État stratège affirme depuis vingt ou trente ans qu’il faut des champions, mais que fait-il concrètement ? Il traite tout le monde de la même manière. Je ne sais pas s’il faut être inégalitaire comme certains l’ont exprimé violemment, voire « darwiniens » - un mot dangereux parce que cela peut conduire à des extinctions massives par monopolisation. Mais que fait-on pour arriver à cet objectif ? On avait tenté les Idex, mais on n’a jamais vraiment su le concrétiser. On a cru à la génération spontanée et on s’est trompé, ça ne s’est jamais structuré. On attend de voir la LPPR mais pour le moment ne sont pas annoncées des mesures très structurelles, si j’en crois les rapports.
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 Le très grand entretien
 
















































































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