Page 14 - Think Culture 2019
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[TABLE RONDE]
La valorisation des marques culturelles : stratégie
de développement ou marchandisation de la culture ?
Hélène Jacquard
Jean-Philippe Thiellay
Paul Rondin
think culture 2019 • 14
Les grandes institutions de la création et du patrimoine sont désormais appelées à valoriser leurs « actifs immatériels » pour devenir des marques culturelles. Quels avantages et risques soulève ce développement ?
Visiteur prescripteur
« Aujourd’hui, la qualité des offres, la spé- cificité des collections, l’intelligence du propos, ne suffisent pas nécessairement à faire venir les publics. Les visiteurs, les spectateurs ont une forme d’exigence et s’attendent à avoir des services, un mode d’adresse, de l’ordre d’une “relation client”. Dans le cadre de la politique des publics, nous avons travaillé sur la mise en place de “Persona”, méthode issue du marke- ting qui consiste à travailler sur des arché- types de cibles, choisis en fonction de ce qu’on connaît de notre public, et des publics cibles prioritaires de la collectivité. Cela permet de faire que notre offre soit attractive et présentée via les bons médias mais aussi d’obtenir la satisfaction du visiteur ou du spectateur. L’objectif final est qu’il ait envie de revenir mais aussi de prescrire. »
Hélène Jacquard, responsable de la mission Vallée de la culture / Département des Hauts-de-Seine
Ouverture
et rayonnement
« Comment faire pour ne pas augmenter sans cesse le prix du billet et se couper du public ? Il existe une élasticité automatique qui fait que dès qu’on augmente le prix du billet, on perd des gens, et notamment ceux vers qui on pense que ce serait bien d’élargir l’accès. Nous faisons donc du mécénat et essayons de valoriser la marque.
La marque ONP est certes connue mais personne ne sait expliquer combien elle vaut. Depuis quelques années, nous fai- sons des associations de marques. Il n’y a pas de modèle, pas de contrat-type ou d’histoire type. Ce sont des centaines d’heures de discussion et je ne parle pas de tous les projets qui n’ont pas abouti. Les revenus sont très inégaux et ne sont de toute façon pas à la hauteur des difficultés que nous rencontrons. Il ne faut donc pas faire ce genre d’actions uniquement en espérant gagner de l’argent. Cela recouvre aussi une dimension rayonnement. Si nos maisons ne s’ouvrent pas, dans vingt ans, elles sont mortes. Il ne s’agit pas de faire n’importe quoi, il n’y a aucune concession sur l’excellence, mais l’ouverture est indis- pensable. »
Jean-Philippe Thiellay, directeur général adjoint / Opéra national de Paris
Une SAS dédiée
« Nous avons choisi de lancer une société de valorisation du Festival d’Avignon. Cette SAS, distincte de l’association qui organise le Festival, est dotée d’une équipe, en lien et avec une gouvernance reliée au Festival d’Avignon et à sa direction, mais a une forme d’autonomie pour vendre des choses qui ne sont pas vendues par ailleurs dans le cadre du festival. Elle ne vendra pas de billets, pas de spectacles à l’extérieur, ne fera pas de commercialisation des espaces du festival. En revanche, elle pourra vendre des événements, de l’expertise et des contenus numériques. Depuis 20 ans, 100 % des spectacles du Festival d’Avignon sont filmés. C’est une mine incroyable pour les amateurs de théâtre du monde entier. Le travail autour des droits pour obtenir les autorisations va se mettre en route. C’est un travail fastidieux mais cela en vaut la peine. C’est aussi une valorisation du travail des artistes et d’un patrimoine. »
Paul Rondin, directeur délégué du Festival d’Avignon