Page 16 - News Tank_think education_2020

Pierre Tapie
Niveau de diplôme et accès à l’emploi
A l’occasion de l’expert-room « L’accès à l’enseignement supérieur favorise-t-il l’accès à l’emploi ? Réalités internationales et enjeux pour la France », Pierre Tapie et Hervé Biaus- ser du cabinet Paxter ont présenté une étude approfondie de 76 pays.
«La stratégie française consis- tant à pousser les gens vers des diplômes bac +5 sans leur pro- poser de sortie cohérente avec
la demande sociale et économique aux niveaux bac, bac +2 et +3, ne fonc- tionne pas bien. Globalement, la situa- tion de notre pays recule. D’autres pays ont joué d’autres stratégies que la nôtre avec un grand succès », lance Hervé Biausser, ancien directeur général de CentraleSupélec et désor- mais consultant au sein du cabinet Paxter.
Pour les pays où le PIB par habitant est fort, avoir un diplôme de l’enseigne- ment supérieur rapproche de l’emploi. Mais cela est surtout valable dans les pays où le taux de chômage est élevé. Dans les autres, le diplôme ne conduit pas nécessairement à une augmen- tation du taux d’emploi. Pour les pays à faible PIB, le diplôme a même un effet plutôt négatif.
Paxter a en effet étudié le lien entre accès à l’enseignement supérieur et emploi en cherchant à définir « les grandes lignes à la fois démogra- phiques et économiques dans les 15 prochaines années dans l’enseigne-
ment supérieur dans le monde », et à réfléchir aux transformations pas- sées, présentes et à venir sur cette question, précise Pierre Tapie. « De façon implicite en France, un grand nombre de politiques publiques ont fait l’hypothèse que “plus les gens seraient diplômés, mieux le pays irait”. Cette hypothèse est une hypothèse ferme : si vous osez la contester, on vous considérera comme bizarre ou iconoclaste ».
Parmi les constats de l’étude, on note en France que le diplôme favorise l’ac- cès à l’emploi, mais à un emploi moins bien payé. Autre conclusion forte : le taux de déclassement a augmenté de près de 50 % en 20 ans. « Autrement dit, la stratégie de l’État consistant à dire “ayez le diplôme le plus élevé pos- sible pour aller à l’emploi“, a dévalorisé les niveaux bac+2 et+3. Par consé- quent, le déclassement, c’est-à-dire l’insatisfaction des diplômés, a aug- menté », note Hervé Biausser.
Lors des échanges avec la salle, Pierre Tapie et Hervé Biausser soulignent l’aggravation de la situation des non-diplômés en France. Les enquêtes récentes, notamment du
Céreq, ont montré la baisse de l’avan- tage relatif des diplômés du supérieur sur ceux de niveaux CAP/BEP.
Cette dégradation est « spectacu- laire » : les chiffres montrent que si le taux de chômage général est à peu près égal en 1975 et en 2015, situé autour de 10 %, le taux de chômage des non-diplômés est quant à lui pas- séde15%à50%.
Le taux de déclassement a augmenté deprèsde50% en 20 ans.
Hervé Biausser
think education & recherche 2020 • 16
Expert Room