Page 28 - Think Culture 2019
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                [TABLES RONDES]
    Florence Philbert
Relier les deux mondes
« Il y a une spécificité des modèles écono- miques du secteur culturel. Lorsque l’on est dans les secteurs du livre, de la musique, des jeux vidéos ou de la presse, on touche à la propriété intellectuelle. Il est compliqué de valoriser a priori ce que sera l’album d’un artiste ou une collection de mode. On ne sait pas mesurer le suc- cès à l’avance. De plus, le cycle de produc- tion dans ces secteurs est très différent de celui de l’industrie classique.
Le fondement de l’Ifcic est bien de faire le pont entre les banques et les acteurs culturels, entre le secteur privé et le sec- teur public. Nous avons deux voies pour faciliter l’accès au financement : la garan- tie des crédits et le prêt en direct. Les banques sont de moins en moins fri- leuses parce qu’elles commencent à mieux comprendre les modèles écono- miques du secteur culturel. Cette meil- leure compréhension passe par un travail de pédagogie que nous devons mener collectivement auprès d’elles. Il nous faut également essayer de développer des outils plus adaptés à ces modèles comme c’est le cas avec les prêts en direct. » Florence Philbert,
directrice générale de l’Ifcic
Ratios prudentiels
« Cette frilosité s’explique aussi par le fait que le secteur bancaire est de plus en plus fortement régulé. Et les banques sont malheureusement guidées par des ratios prudentiels.
Concrètement, si nous n‘avions pas la garantie de l’Ifcic sur certains dossiers, nous ne les prendrions pas ou nous demande- rions aux dirigeants des entreprises ou présidents de l’association de se porter caution... Une banque ne peut pas prêter sans garantie, qui plus est dans un contexte où les taux sont négatifs. Il y a donc une double contrainte : elles font peu de gains et prennent beaucoup de risques. » Véronique Gomez, responsable du secteur culturel, Crédit coopératif
Maitrise du risque
« C’est souvent au moment de la création d’un projet qu’on a le plus besoin de finan- cement. Paradoxalement, c’est à ce moment que l’on est le moins à même de présenter un dossier aux banques. Aujourd’hui, elles sont dans une lecture moins formelle et plus “humaine” du dos- sier. Le parcours de l’entrepreneur ou les projets antérieurs qu’il a pu mener sont
des éléments qui viennent colorer positi- vement un dossier.
Nous sommes dans une économie de pro- totype et il est donc très compliqué de faire un business plan. Même un artiste qui, à l’apogée de sa carrière, a vendu 300 000 disques peut, cinq ans plus tard, n’en vendre plus que 10 000. Notre business plan est basé sur une espérance : si ça se passe bien, on va “exploser les compteurs”. À l’inverse, si ça se passe mal, ça devient très compliqué. Essayons donc de trouver un juste milieu et de prouver aux banques que nous avons une compréhension et, surtout, une maîtrise du risque. »
Mehdi El Jaï, directeur général, Verycords
Un banquier qui ne
comprend pas ce que vous
faites, c’est un banquier
qui a peur, et qui ne
mettra jamais un centime
sur la table.
Véronique Gomez
Mehdi El Jaï
Les banques et la culture : au-delà
du mécénat, quel rapprochement ?
Les banques sont souvent jugées comme faisant preuve de frilosité et de manque d’expertise à l’égard des projets culturels, tandis que, de leur côté, elles perçoivent les acteurs culturels comme moins formés ou motivés en matière de gestion et de business plan. Comment rapprocher les deux mondes ?
Véronique Gomez
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