Page 21 - Think Culture 2019
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                [TABLE RONDE]
     Patricia Coler
Franck Testaert
L’économie sociale et solidaire :
quelle conciliation entre non-lucrativité et logique entrepreneuriale ?
Comment l’ESS dans la culture peut-elle s’affermir, sans être contrainte à la fragilité ou à la pré- carité ? Quelle articulation s’opère avec l’économie, dès lors que, entre « le tout public » et « le tout marchand », est explicitement recherchée une troisième voie ?
Intérêt général
« L’ESS nous amène à un changement d’imaginaire, loin du modèle du leader entrepreneur solitaire. L’économie n’est pas une science dure exacte. Il s’agit avant tout d’une construction culturelle, une manière d’organiser notre mode de vie, de penser l’ensemble des relations humaines d’un point de vue presque anthropologique.
Pour mettre en place un modèle d’ESS, il est indispensable de réfléchir à ce que l’on met derrière la notion d’intérêt général. Est-ce la croissance économique ? Est-ce le respect des droits fondamentaux ? Les politiques mises en place ensuite ne seront pas les mêmes en fonction du but recherché. »
Patricia Coler, déléguée générale de l’Union fédérale d’intervention des structures culturelles
« Pour construire Tetris, nous avons sélec- tionné des entreprises écologiques et/ou qui travaillaient sur le bassin. Ce montage a été vertueux, puisqu’il nous a permis de faire une économie de 3 M€. »
Franck Testaert, directeur de Tétris - Scène de musiques actuelles du Havre
Devenir le modèle
dominant
« L’ESS ne devrait pas être la mince fron- tière entre le secteur public et le secteur privé, elle devrait couvrir l’ensemble des champs. Tout le monde entreprend - les associations, les collectivités locales et leurs régies, etc. L’entrepreneuriat est d’autant plus nécessaire que les res- sources se rarifient. Et quand on est entrepreneur, les moyens les plus impor- tants à gérer ne sont pas les moyens financiers, mais bien les forces vives humaines. Le principe de l’ESS est de res- pecter ces forces vives.
Concernant les résultats, les activités de l’ESS peuvent bien sûr être bénéficiaires, et même ce bénéfice est nécessaire pour assurer la pérennisation du secteur, pour faire face aux aléas, par exemple l’annula- tion d’un festival pour cause d’intempé- ries. La question de l’ESS est plutôt de savoir de quelle façon on redistribue ces bénéfices. Le portefeuille d’activités n’est pas choquant pour une structure cultu- relle, c’est même un modèle naturel de se dire qu’on a des activités rentables qui permettent de financer des activités non
rentables. J’ai une vision jubilatoire de l’ESS et je souhaite la convergence de la filière musicale autour d’elle. Il faut qu’elle devienne le modèle dominant quels que soient les statuts juridiques des struc- tures qui l’embrassent. »
Philippe Nicolas, directeur du Centre national de la chanson, des variétés et du jazz
La question
des tiers-lieux
« Le concept du vivre-ensemble, du partage des espaces, etc., est louable, mais il faut prendre garde à ce que la commercialisation à outrance, la création de bureaux partagés, ne mettent pas en péril ce qui était à l’origine destiné à la création artistique. Même si les tiers-lieux ne sont pas uniquement des méchants libéraux, la place
de la culture à l’intérieur reste à défendre.
En tant qu’actrice culturelle convaincue, j’ai commencé à intégrer le milieu de l’immobilier, pour que les artistes - qui ont besoin de beaucoup plus de place que les start-ups - puissent conti- nuer à avoir des espaces de travail dans la ville. Nous ne voulons plus de locaux transitoires,
de contrats à durée déterminée, cela met nos professions en danger. »
Juliette Bompoint, directrice de Mains d’Œuvres
Philippe Nicolas
Juliette Bompoint
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